Médée arrive. Une voix venue d’ailleurs. L’étrangère parle dans sa langue incompréhensible ; nous la rejetons pour rester entre nous. C’est si bon, l’entre-soi. Jason méconnaît les conséquences de son premier exploit, lié à son premier amour. Il le paiera.
Depuis 2006, les Dionysies font entendre et voir les cultures ordinairement silencieuses de l’Antiquité, pour nous arracher à nous-mêmes, pour nous arracher aux gentilles humanités classiques. Violence insoutenable de la rupture : l’Antiquité inconnue, avec sa phonétique à réinventer, sa textualité active, ses rigueurs et ses ivresses. Pas Astérix, ni la quotidienne
ration bon teint du contemporain pompier ou kitch. Il nous faut réapprendre l’art, les langues, la poésie, de Catulle à Pindare. Nous faire latins pour imiter les Grecs dans notre langue, dans leurs systèmes harmoniques. Après Homère, renaître à l’hexamètre d’Homère à travers Catulle, Lucrèce, Virgile, Lucain, et même Aristote (un exploit à découvrir !), renaître à l’enfance de la philosophie, au chœur, explorer le mouvement, les battues de la danse, par le masque, par la musique et par le geste. Justice est réclamée par Dionysos en ses Bacchantes, par Médée bafouée, par les Sept chefs coalisés contre Thèbes, par Antigone, par Socrate ! On pleurera sur les errances d’Attis entre homme et femme, et sur Ariane abandonnée entre mort et immortalité. On frémira devant les mythes de Rome avec Enée, ou devant les balbutiements de l’Histoire, avec Alexandre le Grand (un drame créé par l’ami grec Babis Plaïtakis), César et Pompée ! Lectures, drames, tragédies d’Eschyle, Sophocle, Euripide (création de notre Médée), poésie (y compris celle d’A. Césaire, portée par Sylvie Laporte), danse, dialogue de Platon : rendez-vous au printemps du renouveau dionysiaque !

Philippe Brunet,

directeur artistique des Dionysies