L’Orestie d’Eschyle : Agamemnon, Choéphores et Euménides

L’Orestie d’Eschyle (2010-2012), mise en scène Philippe Brunet.

Pour l’Orestie, 2010 fut l’année de la traduction et du masque facial ; 2011 fut l’année de la danse ; et si 2012 fut l’année des masques pour les Bacchantes, les masques n’arrivent que cette année, en 2013, dans l’Orestie. Et à la place des satyres, ce sera le grandiose palais des Atrides… Venez redécouvrir l’immense Orestie, avec ses chants, ses danses, ses masques, Agamemnon, dans la version créée cet automne à Brest, avec son choeur singulier et multiple, suivie des poignantes Choéphores et des toujours plus saisissantes Euménides...

Extraits le Mercredi 25 mars à 15h

Créée en 1998, la trilogie a été reprise avec des traductions nouvelles en 2010 et ne cesse depuis de se perfectionner. Musique, danse, pantomime, cheminant entre la voix et le geste : la compagnie ne cesse de s’inventer en prenant au sérieux le texte rythmé d’Eschyle. Jouée dans le style du kathakali indien, avec masque facial, la compagnie s’affirme résolument dans la reprise d’une tradition tragique oubliée. Beauté du grec ancien, force du français prosodiquement rythmé, refondation du jeu de pas, harmonies musicales retrouvées, beauté statuesque des personnages… Meurtre d’Agamemnon et Cassandre (Agamemnon), vengeance des enfants Electre et Oreste, mort de Clytemnestre et d’Egisthe (Choéphores), procès d’Oreste, meurtrier de sa mère en présence des divinités réconciliées par Athéna (Euménides).

La seule trilogie tragique conservée est jouée dans une couleur particulière : ferveur du chant grec retrouvé, de la scansion marquée sur le français, joie de la danse et du geste réunis à la parole. Avec des costumes somptueux dignes de la cour d’un royaume situé entre l’Arménie et les steppes nomades de la Route de la Soie. La mise en scène se fonde sur un principe de dissociation voix et corps, qui restitue à ce théâtre grandiose une part de sa magie, comme dans le katakhali, le nô ou l’art de la marionnette. Chaque entité, personnage ou choeur, est interprétée par un ou plusieurs récitants, qui disent le texte, et par un acteur ou des choreutes qui le jouent avec masque facial. La bouche béante des acteurs reproduit sur leur propre visage vivant l’effroi du masque tragique. Le personnage naît dans une altérité renouvelée de chaque instant selon le bien connu paradoxe du comédien.

Le drame satyrique de l’OrestieProtée, est perdu, mais quelque chose ne peut-il en être retrouvé à partir de la grande source homérique ? Ménélas, avec Hélène, est bloqué sur l’île de Pharos devant le delta du  Nil… Pour que la fête du Bal dionysiaque, proposé en 2012, revienne entre Homère et les satyres.

AGAMEMNON

durée : 2h

Agamemnon se fonde sur une équipe réduite à six comédiens, tour à tour et simultanément récitants et acteurs, pour dire et jouer le retour d’Agamemnon. Clytemnestre tue son époux ainsi que sa captive, la prophétesse Cassandre. Du visage féminin de Clytemnestre sort tantôt une voix féminine tantôt une voix masculine… Le   Messager est joué par une femme avec une voix d’homme. Cassandre, avec son chant aigu féminin, danse avec un corps d’homme. Egisthe, l’efféminé, possède un corps d’homme et une voix de femme.

La musique, jouée sur des instruments proches de l’Antique (lyre éthiopienne, dotar afghan, cithare dite qanoun, lamellophone « sanza », daf, et aulos, l’instrument à anche façonné avec une tige de roseau et joué par Fantine Cavé-Radet), accompagne en permanence tous les chants interprétés en grec ancien, et traduits en français. Veilleur (masque Stanislas Kuttner-Homs, voix Henrri de Sabates), Choeur (masque Daniel Rasson, voix grecque Philippe Brunet et voix française Henrri de Sabates), assistants Choeur (Fantine Cavé-Radet et  Stanislas Kuttner-Homs), Clytemnestre (masque Susie Vusbaumer, voix  Henrri de Sabates, Fantine Cavé-Radet et Stanislas Kuttner-Homs), Messager (masque Fantine Cavé-Radet, voix Stanislas Kuttner-Homs), Agamemnon (masque Henrri de Sabates, voix Stanislas Kuttner-Homs), Cassandre (masque Philippe Brunet, voix Fantine Cavé-Radet), Egisthe (masque Henrri de Sabates, voix Fantine Cavé-Radet).

LES CHOÉPHORES

durée : 1h

Les Choéphores tirent leur nom des captives porteuses de libations qui forment le choeur. Atmosphère de prière autour du tombeau d’Agamemnon, avec les jeunes frère et sœur Oreste et Electre, intimité qui se transforme en un complot où la ruse et le déguisement vont servir à venger un père. Second volet tragique et comique de la trilogie, où la danse et le chant s’unissent dans un rituel poétique et passionné.

Le même principe de dissociation est adopté. La même comédienne, Susie Vusbaumer, joue Clytemnestre, avec la voix de François Cam, ainsi qu’Electre, avec la voix de Léonie Talbot. Henrri de Sabates, qui jouait Agamemnon, revient sous la forme d’Oreste, avec la voix de Bérenger Hainaut et la voix lyrique de Thomas Morisset. Stanislas Kuttner-Homs, qui faisait le Veilleur avec la voix de Henrri de Sabates, revient jouer Pylade, pour dire trois vers décisifs dits par Raphaël Durville… Egisthe revient avec le même acteur, Daniel Rasson, mais avec la  voix de Gilles de Rosny. Celui-ci fait également le Portier, avec la voix de Thomas Morisset. Javiera Quiroga joue la Nourrice, avec la voix de François Cam. Le Chœur comprend sur scène Judy Damo, Violette Hue, Audrey Pottier, Clémentine Cintré, Fantine Cavé-Radet, et les autres récitants des ateliers de Paris-Sorbonne et de l’université de Franche-Comté, qui procurent une grande puissance vocale au dispositif : Ludovic Bruot, Solène Clerval, Amandine Czuba, Clément Débiez, Hugo Delanoé, Vincent Fleury, Mélanie Gavand, Samuel Germain, Justin Jeunot, Nina Léger, Morgane Malapert, Clément Martel, Maxime Nicolas, Samuele Peverelli, Rosalie Sioly, Jordan Teixeira, Quentin Thirionet, Léo Vermot-Desroches.

LES EUMÉNIDES

durée : 1h

Les Euménides, ou le procès d’Oreste, offrent le captivant spectacle des horribles Erinyes, divinités féminines vengeresses qui traquent Oreste, et la sublime intervention des dieux grecs Athéna et Apollon. Placée d’abord à Delphes au temple d’Apollon, où la Pythie découvre Oreste venu se purifier auprès du dieu Apollon, et où les Erinyes poursuivent le meurtrier, dans un réveil tonitruant, époustouflant par ses danses outrées, provoqué par l’Ombre de Clytemnestre, la scène se déplace, fait exceptionnel dans une tragédie, et se transfère à Athènes. Le procès a lieu. Oreste est acquitté à l’issue d’un vote institué par Athéna.

L’Ombre de Clytemnestre et Oreste sont joués par les mêmes masques et les mêmes voix. Apollon le dieu éternellement jeune est joué par le très respectable Gilles de Rosny, avec la voix de Daniel Rasson. Athéna est jouée par Judy Damo avec la voix de Violette Hu. Pourquoi une voix chinoise modulant des tons comparables aux tons du grec ancien, pourquoi une Athéna jouée par une jeune black, et Apollon joué par un ancien ? La mise en scène s’amuse à détourner les conventions, mais rappelle au passage qu’Athéna est la déesse égyptienne Neith d’après Hérodote, avant de devenir l’icône de l’hellénisme classique : un clin d’oeil à l’historien Martin Bernal, auteur du fameux et controversé Black Athena. Quant à la Chine, il faut rappeler l’importance décisive qu’elle a dans le développement de la musique ancienne (d’où l’orgue à bouche, sheng, joué par François Picard pour annoncer la venue de la déesse), non loin de la Mésopotamie, et dans la transmission du théâtre grec emmené en Asie par les conquête d’Alexandre le Grand, jusqu’au Japon où ce théâtre a conservé des liens nombreux avec ses lointaines origines dionysiaques…